Homophobie dans le football : la polémique enfle autour d’Idrissa Guèye
17 mai 2022L’international sénégalais du PSG n’a pas joué samedi lors de la 38ème journée de Ligue 1, lors de laquelle toutes les équipes portaient un maillot floqué aux couleurs de l’arc-en-ciel des fiertés. Selon plusieurs sources, Idrissa Gueye aurait refusé de s’associer à cette campagne. En France la polémique enfle avec des sorties au vitriol des autorités politiques qui réclament des sanctions contre le champion d’Afrique. Au Sénégal, le mouvement «Y en a marre» et le Philosophe écrivain, El Hadji Hamidou Kassé montent au créneau pour défendre le vice-capitaine des «Lions». Comme l’année dernière, le joueur du Paris SG Idrissa Gueye n’a pas joué samedi lors de la journée dédiée à la lutte contre l’homophobie, une nouvelle défection qui lui a attiré des critiques en France, mais aussi des soutiens dans son pays, le Sénégal. L’absence d’Idrissa Gueye face à Montpellier (4-0) samedi n’est pas passée inaperçue en France, où, depuis quatre ans, les joueurs du championnat s’associent ce jour-là à la lutte contre l’homophobie en arborant un maillot arc-en-ciel. Si l’entourage du joueur a refusé d’expliquer les raisons de cette absence, elles sont en revanche limpides pour les associations de lutte contre l’homophobie, ainsi que pour RMC, qui avance que le joueur ne souhaitait pas s’associer à cette campagne.
Demandes de sanction
« Il avait déjà fait le coup l’année dernière. Ça ne fait guère de doutes sur ses intentions », explique Bertrand Lambert, le président des Panam Boyz and Girlz United, club ouvert à la diversité. Idrissa Gueye n’avait pas non plus joué l’année dernière, invoquant alors une gastro-entérite. Samedi, l’entraîneur du Paris SG Mauricio Pochettino a évoqué des « raisons personnelles », précisant que son joueur « n’était pas blessé ». Une source proche du vestiaire parle de « choix individuel du joueur, il s’est mis lui-même de côté ». « Je regrette qu’il n’ait pas participé à cette journée qui n’est pas une promotion de l’homosexualité mais une promotion du vivre ensemble », estime Bertrand Lambert. « Et de la même manière que de porter un brassard pour lutter contre le racisme ne change pas la couleur de peau de celui qui le porte, porter un maillot arc-en-ciel ne fait pas changer de sexualité. Il permet juste de faire tomber les préjugés. » « L’homophobie n’est pas une opinion mais un délit », a rappelé quant à lui sur Twitter le collectif Rouge Direct qui lutte contre l’homophobie dans le sport. « La LFP (Ligue) et le PSG doivent demander à Gana Gueye de s’expliquer et très vite. Et le sanctionner le cas échéant ». L’affaire a même atteint la sphère politique. La ministre déléguée aux Sports Roxana Maracineanu a jugé « à titre personnel », « regrettable qu’il n’ait pas souhaité jouer » avec ce maillot, a-t-elle dit au Parisien. « Les joueurs d’un club de football, et ceux du PSG en particulier, sont des figures d’identification pour nos jeunes. Ils ont un devoir d’exemplarité. Un refus d’Idrissa Gana Gueye de s’associer à la lutte contre l’homophobie ne pourrait rester sans sanction! », a posté sur Twitter Valérie Pécresse, ex-candidate à l’élection présidentielle.
« Ça avance »
Le PSG rappelle être « complètement engagé dans la lutte contre l’homophobie et les discriminations, avec Sportitude ou SOS Racisme. Nos joueurs ont porté avec fierté ce maillot, les plus grandes stars, Messi, Neymar ou Mbappé, exprimant l’engagement du club ». Mais en revanche, silence radio sur le cas Gueye. Sera-t-il sanctionné? Peut-il l’être? Il semble difficile d’imaginer que le club sanctionne le joueur, qui pourrait se trouver alors dans une situation juridique complexe en termes de droit du travail. La LFP, contactée par l’AFP, « ne souhaite pas commenter » l’incident et rappelle son « travail de fond dans ce domaine depuis quatre ans », comme « l’organisation d’ateliers de sensibilisation à l’homophobie dans les clubs et les centres de formation ». « Mardi une vente aux enchères est organisée avec les ventes de ces maillots au profit d’associations LGBT », a-t-on précisé. Bertrand Lambert « regrette qu’il n’y ait pas de réaction au plus haut niveau de l’État, du PSG et des instances du football. Ceci dit, il ne faut pas oublier que ce qui s’est passé ce week-end est assez marginal puisqu’il n’y en a qu’un qui a refusé ». En 2019, plusieurs joueurs avaient refusé d’arborer un brassard arc-en-ciel. « Il y a encore des résistances, mais ça avance », résume Bertrand Lambert. El Hadji Kassé et Y en a marre, en boucliers Au Sénégal, où Gueye et ses collègues de la sélection sont adulés, de nombreux soutiens au joueur du PSG ont été postés sur les réseaux sociaux. Dans ce pays musulman à plus 95% et très pratiquant, l’homosexualité, punie d’une peine d’un à cinq ans de prison, est largement considérée comme une déviance. L’écrivain El Hadji Hamidou Kassé a déclaré sur Twitter soutenir Guèye « au nom du principe de la libre croyance et du respect des différences, je soutiens Gana Guèye. De quoi se prévaut Mme Valérie Pecresse pour demander des sanctions contre le professionnel sénégalais ? Le sport doit unir, et pour ce, il faut éviter les sujets clivants ». En dehors du ministre-conseiller du Président de la République, le mouvement « Y en a marre », actif notamment dans la défense de la démocratie est aussi monté au créneau pour défendre Idrissa Gana Guèye tout en interpellant les autorités sénégalaises. A travers un communiqué, Aliou Sané & Cie apportent leur soutien «sans réserve» au milieu sénégalais et dénoncent «avec vigueur cette diabolisation dont il est victime». Mieux, «Y en a marre engage également les autorités sénégalaises, en l’occurrence le Ministère des Sports et la Fédération sénégalaise de football, à apporter un soutien officiel à Gana Guèye dans ces moments difficiles», selon ledit communiqué. Le mouvement citoyen de rappeler, dans la foulée, que «beaucoup de sportifs sont sanctionnés pour avoir manifesté un soutien au peuple palestinien persécuté. Aussi, dans presque tous les stades européens, des joueurs africains subissent tous les week-ends, des actes racistes sans qu’il n’y ait de réelles mesures ou sanctions à l’encontre des auteurs».